lundi

Cinq questions sur le storytelling

1. Le storytelling, c'est quoi exactement? 

Le storytelling est une technique de communication qui s'inspire de la manière dont nous racontons des histoires. Contes, légendes, mythes, romans, pièces de théâtre, films, opéras... toutes ces formes de récits présentent en effet des traits communs qui permettent de capturer plus facilement l'attention du public. Un public plus attentif se montre dès lors plus réceptif aux messages qui lui sont adressés.

Le storytelling propose donc de construire la communication d'une organisation, d'une marque, d'une entreprise, d'un artiste ou d'une personnalité politique comme un récit. Chaque élément du discours sera dès lors agencé comme un chapitre d'une grande histoire, avec ses codes, ses héros, ses défis, son dénouement, etc.

Les techniques de storytelling plus élaborées confient en outre un rôle beaucoup plus actif au public, considéré à son tour comme un véritable acteur de l'histoire.

2. Est-ce une technique récente? 

Pas du tout. Le storytelling a toujours existé. La mythologie, les contes, les récits bibliques, les légendes sont déjà des formes de storytelling. Les travaux du linguiste Greimas dans les années 60 ont permis de théoriser la trame commune à toute forme de récit. Cette théorie constitue désormais la base de travail pour toute démarche de storytelling.

3. Concrètement, comment fonctionne le storytelling?

C'est une démarche en deux temps.

La première étape consiste à écrire l'histoire de l'organisation, de l'entreprise, de la marque ou de la personnalité que l'on compte mettre en avant. Comme toute bonne histoire, celle-ci comportera ses héros, ses adversaires, une mission (les objectifs ou la quête), une crise et un dénouement. Cette étape est cruciale et demande l'implication de nombreux intervenants qui aideront à façonner l'histoire que l'on veut raconter : management, membres du personnel, clients, investisseurs, administrateurs, observateurs externes, etc. Chacun de ces intervenants peut en effet avoir une vision différente de l'histoire que nous souhaitons raconter. La trame finale sera celle qui réalisera la meilleure synthèse de tous ces éléments.

La seconde étape consiste à se référer en permanence à cette histoire dans toute nouvelle communication : spot publicitaire, intervention dans la presse, présentation du site web, articles sur un blog, communiqués de presse, iconographie, etc. Chaque question soulevée lors d'une nouvelle communication doit trouver sa réponse dans le storytelling décrit lors de la première étape.

4. Quels sont éléments de base que l'on retrouve dans le storytelling? 

Ceux-ci peuvent varier en fonction de la complexité de la tâche à surmonter. Pour commencer, on identifie en général 5 éléments, qui constituent la base du schéma actantiel:

- Le héros, ou le protagoniste :
Pour Barack Obama, c'était Joe le Plombier, devenu entretemps une icône du néo-conservatisme.

- L'adversaire, ou l'antagoniste :
Pour Apple, c'est le PC vieillot et ringard.

- La mission, ou la quête :
Pour Nike, c'est le dépassement de soi.

- La crise :
Pour Festina, c'était le Tour de France 1998.

- Le dénouement :
Pour Belfius, c'est une nouvelle marque et un nouveau slogan ("Encore une idée pour mieux vous servir") après la débâcle de Dexia.


5. Le storytelling, est-ce vraiment efficace?

Lorsque les techniques de storytelling sont appliquées avec rigueur et sérieux, la communication s'avère effectivement plus efficace. On pourrait ainsi comparer les campagnes électorales de Barack Obama et Nicolas Sarkozy après leur premier mandat. Alors que sur le plan macro-économique (évolution du PIB et croissance du taux de chômage), ces deux présidents sortants présentaient des bilans relativement similaires, le premier est parvenu à se faire réélire et pas le second. Une explication pourrait être trouvée dans la différence du style de communication, l'un ayant opté pour un storytelling extrêmement puissant (souvenez-vous de Joe le Plombier), l'autre hésitant sur l'histoire qu'il devait raconter à ses électeurs.

Autre exemple frappant : l'auteur Allen Carr est parvenu à convaincre des millions de fumeurs d'arrêter la cigarette, simplement en leur racontant une histoire qui utilise toutes les ficelles du storytelling. Il en a d'ailleurs développé un business particulièrement juteux...

En savoir plus sur le storytelling ? Contactez-nous sur www.stori.be 




mardi

Raciste, crétin ou les deux ?

Mon post d'hier sur la fausse polémique du sapin de Noël de la Grand Place de Bruxelles a suscité pas mal de réactions et j'imagine qu'il en suscitera encore, puisque 24 heures après sa publication, il a déjà été lu plus de 6.000 fois.

Parmi les réactions, je m'étonne de trouver des lecteurs pour s'offusquer de l'utilisation que je fais des termes "raciste" et  "crétin", un peu forts à leur goût. Pour mémoire, le premier visait ces gens qui ont détourné une (fausse) information (l'idée selon laquelle le sapin de Noël de la Grand Place aurait été supprimé pour ne pas heurter la communauté musulmane) pour se répandre en messages haineux sur les réseaux sociaux. Le second s'adressait à ceux qui ont relayé sans même en vérifier la teneur une information totalement erronée.

Pour mieux illustrer mon propos, j'ai donc rapidement compilé quelques exemples de ces réactions émises par ceux que je juge crétins et/ou racistes, histoire que tout le monde comprenne la démesure qu'a prise cette mauvaise farce de Noël. Avant de parcourir ensemble ces perles rares, quelques remarques préliminaires s'imposent :

- Toutes ces captures d'écran proviennent de pages publiques, soit via les commentaires laissés sous le lien directement partagé sur un mur Facebook ouvert, soit sur le site de SudPresse. Il est étonnant de constater que tant de personnes laissent à visage découvert des messages aussi haineux.

- Je suis également très surpris de voir que, contrairement à d'autres sites d'information, SudPresse ne modère pas les commentaires sous ses articles. Comme nous allons le voir, certains messages sont tellement violents qu'ils enfreignent la loi.

- Non pas par respect pour leurs auteurs mais bien par respect pour leurs familles, j'ai volontairement caché tous les noms apparaissant dans ces tristes commentaires. La loi ne m'y oblige pas puisque ceux-ci ont été volontairement laissés publics par leurs auteurs.

(il suffit de cliquer sur les images pour les afficher en taille réelle)

Dans la catégorie des crétins, commençons par ces propos laissés sur Facebook en commentaire d'un lien vers mon article. L'incrédule n'en croira rien tant que... le gouvernement n'aura pas démenti. Ce que le gouvernement vient faire dans cette histoire, il faudra qu'on me l'explique. Et pourquoi pas des excuses officielles de Mohammed VI tant qu'on y est ?

(Mise à jour 14/11/2012 8h59 : Hormis la première capture d'écran, toutes les autres proviennent du site internet de SudPresse.) 

L'exemple suivant combine la crétinerie et le racisme : le Marché de Noël existe toujours, notre pays est officiellement laïc et personne ne s'est plaint de l'ancien sapin, en tout cas par pour des motifs religieux.


Dans le genre raciste crétin, celui-ci n'est pas mal : non seulement il confond musulmans et arabes, mais il n'est même pas capable d'écrire "arabe" correctement.



On continue avec ceux qui déplorent que les musulmans nous gouvernent (sic) et en appellent à la défense de notre culture... tout en démontrant au passage l'immensité de la leur en se trompant sur la date de notre fête nationale. Le Belge de souche peut-il aussi suivre un parcours d'intégration?


Je propose qu'on poursuive dans la surenchère raciste et crétine. Ici, il n'est même plus question de musulmans, mais bien d'islamistes (ou plus loin d'islamiques - sic) qui "un jour finiront par voiler nos femmes".


On accordera un demi point Godwin au commentateur suivant pour son rapprochement plus que culotté avec les commémorations du 11 novembre, non sans relever au passage son appel à prendre les armes. Incitation à la haine et à la violence. C'est punissable, au même titre que les actes de Fouad Belkacem.

 
La crétinerie, c'est aussi lancer des insinuations à demi voilées (pardonnez le jeu de mots) et refuser l'argumentation derrière des formulations livrées clé sur porte.


Celui-ci propose non seulement de boycotter le Marché de Noël, mais aussi les commerces du quartier. Pourquoi ? Je ne suis pas sûr d'avoir compris la logique.



Enfin, accordons la palme à ce commentaire qui transpire le racisme par tous les pores et qui constitue, comme d'autres déjà mentionnés plus haut, une infraction aux lois de ce pays.


Pourquoi ce florilège de captures d'écran plus odieuses les unes que les autres ? Simplement pour soutenir mes propos par des exemples concrets. De la simple annonce du remplacement d'un sapin de Noël par une sculpture lumineuse, nous sommes passés en quelques heures à une déferlante de messages de désinformation, de haine à l'adresse d'une communauté qui n'est nullement liée à cette décision, et pires... d'appels à la violence. Tout ça sur la base d'une rumeur infondée et d'interprétations erronées. L'immédiateté des réseaux sociaux amplifierait-elle les phénomènes tels que celui de la Rumeur d'Orléans ? Voilà de quoi faire réfléchir les sociologues des nouveaux médias.

Malgré les démentis, les explications et les mises au point, aujourd'hui plusieurs groupes sur Facebook appellent au boycott de Plaisirs d'Hiver ou à manifester pour le retour d'un "vrai" sapin sur la Grand Place de Bruxelles. Et comme rien n'est jamais laissé au hasard, la manifestation est organisée par une dissidence de l'ancien Front National. Parti qui a été condamné pour racisme. CQFD.

Laissons le mot de la fin à Edgar Morin, qui explique à travers le cas de la Rumeur d'Orléans (1969) la problématique de la propagation de rumeurs qui visent une communauté religieuse.




lundi

Le sapin chrétien, le lapin crétin et la rumeur d’Orléans



Comme beaucoup de monde, j’ai été frappé par l’avalanche de bassesses racistes qui a inondé les réseaux sociaux ce week-end, à partir d’une rumeur d’autant plus stupide qu’aucun de ses relayeurs n’avait pris la peine d’en vérifier la véracité : le fameux scandale du sapin de Noël de la Grand Place de Bruxelles.

Tout est parti d’un article citant la réaction de la conseillère communale démocrate-chrétienne Bianca Debaets, suite à l’annonce faite par la ville de Bruxelles de remplacer le traditionnel sapin de Noël de la Grand Place par une « sculpture de lumière ». Celle-ci avait fait part de ses suspicions : le sapin de Noël aurait été selon elle supprimé à cause de ses « références religieuses », à l’instar du marché de Noël qui avait déjà été rebaptisé « Plaisirs d’Hiver ».

Immédiatement, l’article a été abondamment commenté sur les réseaux sociaux, à coups de « On n’est plus chez nous », « Qu’ils rentrent chez eux », « C’est à eux de s’adapter, pas à nous » qui visaient systématiquement la même communauté : les Musulmans, responsables de ce crime de lèse majesté sur la personne du pinède le plus célèbre de la capitale, sans même en avoir jamais exprimé la demande.

Pourtant, quelques simples vérifications auraient évité aux racistes version 2.0 de se couvrir (une nouvelle fois) de ridicule.

Primo, le sapin n’est aucunement une référence chrétienne. Il s’agit d’une tradition païenne, associée à la fête de Noël. Difficile d’en trouver la moindre trace dans la Bible.

Secundo, le sapin est remplacé par une sculpture en forme de… sapin. En termes d’attaque dirigée contre un symbole, on a déjà fait mieux. Un peu comme si les Talibans avaient remplacé les Buddhas de Bamyian par une sculpture en forme de Buddha. Par ailleurs, la crèche de Noël de la Grand Place, véritable symbole chrétien, est pour sa part maintenue, sans que la moindre communauté non-chrétienne ne semble s’en émouvoir.

Tertio, un simple clic sur le site web de Plaisirs d’Hiver aurait permis de comprendre que cette appellation n’a nullement remplacé le Marché de Noël. Celui-ci est d’ailleurs mis en évidence dès la page d’accueil du site. « Plaisirs d’Hiver » est le nom commun attribué à toutes les activités bruxelloises organisées dans le cadre des fêtes de fin d’année : le Marché de Noël, mais aussi la patinoire, les expos, etc. L’honneur chrétien est donc sauf : on pourra toujours se caresser le chapelet en se goinfrant de tartiflette.

Toute cette déferlante de réactions indignées, mais complètement infondées, me rappelle un cas d’école que j’avais étudié sur les bancs de l’université : la Rumeur d’Orléans, à laquelle le sociologue Edgar Morin a consacré un livre entier. En 1969, une rumeur s’empara de la ville d’Orléans : des jeunes filles seraient enlevées dans les cabines d’essayage de plusieurs magasins de la ville, pour être ensuite exploitées dans des réseaux de prostitution. La rumeur a rapidement gagné la ville et a été largement commentée dans les journaux. Pourtant, aucun cas de disparition n’avait été signalé à la police locale, puisque tout était faux. Comment dès lors expliquer la rumeur ? Le sociologue Edgar Morin y voit le symptôme d’une société en plein changement qui avait besoin d’un bouc émissaire. Car, détail croustillant de la rumeur d’Orléans, les commerçants visés par cette vendetta populaire avaient un point commun : ils étaient tous Juifs. L’affaire de la rumeur d’Orléans démontre donc par l’absurde comment, inconsciemment, la société française post-mai 68 s’est imprégnée d’un certain antisémitisme pour se détourner des défis qui l’attendaient.

L’analogie avec la crise que nous traversons depuis 2008 est presque parfaite. Crise d’identité, crise économique, crise de valeurs, doutes et incertitudes : tous les éléments sont rassemblés pour rejeter sur l’Autre, cette construction mentale, la responsabilité de tous nos malheurs. Mais depuis 1969, un détail a changé dans le chef de l’ennemi. Ce n’est plus le Juif (les cours d’histoire semblent finalement avoir porté leurs fruits, quoi que…) mais le Musulman qui incarne la menace. Je ne lis pas beaucoup de livres de sociologie mais le hasard fait que j’ai récemment dévoré « Genèse du populisme » de Pierre Birnbaum. Sans doute avais-je anticipé la dérive raciste d’une partie de mes contacts Facebook. Dans celui-ci, cet autre sociologue français explique comment l’antisémitisme agité par l’extrême-droite au milieu du siècle dernier s’est progressivement muté en islamophobie latente. La cible a changé, mais le motif reste le même : perte de repères, crise d’identité, recherche d’un ennemi intérieur infiltré, soupçon d’un vaste complot (la charia reprenant le rôle du sionisme), etc. Pas étonnant dès lors que, sur les réseaux sociaux, je croise ça et là l’un ou l’autre excité qui n’hésite pas à sortir les sempiternels refrains du « qu’ils s’adaptent ou qu’ils rentrent chez eux », visant ainsi une communauté imaginaire, censée consolider toutes les phobies du bon Belge de souche (autre construction mentale) : la charia, le voile, l’excision, le 11 septembre, la fête du mouton, la viande halal, les mosquées, les chaussures Dockside, les trainings en peau de pêche et les casquettes blanches.

Il y a quand même un dernier détail qui m’échappe : pourquoi ceux qui combattent le voile au nom de la laïcité, défendent en même temps le sapin au nom de ses (fausses) racines chrétiennes ? Décidément, le raciste 2.0 qui s’ignore peut faire flèche de tout bois. Entre le sapin chrétien et le lapin crétin, la différence reste minime. Je fais des rimes. Et ça me déprime.

Lire l’interview d’Edgar Morin sur la Rumeur d’Orléans, quarante ans après.


Mise à jour 13/11/2012, 12h59 :

Je me permets d'ajouter en illustration ce tweet qui résume en une phrase ce que j'ai mis une heure à rédiger :





Pizzaperture : des photos de New York contre une part de pizza

L'initiative vient du photographe bruxellois David Crunelle et vise à tirer le meilleur de deux de ses passions : les photos et... les pizzas. Parti ce 21 octobre pour New York, il illustrera son voyage de trois semaines sur son blog Pizzaperture. Particularité du blog : les visiteurs peuvent télécharger les photos en haute résolution et libres de droit en échange... d'une part de pizza. C'est même le buffet complet qui s'offre à vous puisque vous avez le choix entre la simple part de pizza, la version haut de gamme au pepperoni, la demi-pizza et la pizza complète. Les tarifs s'échelonnent de 1 à 10 dollars, payables via Paypal.

Ce voyage entre les pizzerias de New York est à suivre dès aujourd'hui sur Pizzaperture.



 

Les liens : 




mardi

Bescherelle et les mystères de la langue française

Pourquoi celui qui pratique le triathlon s'appelle un triathlète, alors que son voisin qui se lance dans un décathlon aura pour sa part droit au titre de décathlonien ? Pourquoi celui qui étudie les milieux vivants exerce le métier de biologiste alors que le médecin qui soigne le coeur a obtenu son diplôme de cardiologue ? Pourquoi la charrette exige-t-elle deux r, alors que le chariot se contente d'un seul ?

Autant de mystères qui appellent peut-être une explication, mais auxquels je suis incapable de répondre.

Si vous êtes friand de ce genre de questions et anecdotes sur la richesse de la langue française, je vous invite à découvrir l'indispensable page Facebook de Bescherelle, cet éditeur de manuels scolaires qui nous a tous faits tant souffrir sur les bancs d'école. Chaque jour, ou presque, un quiz ou un nouveau conseil pour bien orthographier, éviter les pièges et devenir un crack de la conjugaison.




La page Facebook de Bescherelle.

En écrivant ce post, je découvre en même temps que Bescherelle a eu l'excellente idée de lancer deux applications téléchargeables sur iTunes, disponibles pour iPhone et iPad : un dictionnaire des synonymes (2,99 euros) et le classique "La Conjugaison" (1,59 euros). 



Le site officiel de Bescherelle

Photo : tompagenet

vendredi

Leçon de journalisme en Irlande

Dans la catégorie "Et ma langue, c'est du MDF peut-être ?", reconnaissons à Klaus Masuch, un cadre de la BCE venu expliquer en Irlande le bien fondé des mesures d'austérité, une certaine forme d'obstination. Chapeau au journaliste irlandais qui ose tirer la conclusion qu'encore trop peu de ses confrères osent prononcer à haute voix : "vous ne souhaitez donc pas répondre à ma question."

Il y a quelques mois, j'avais déjà salué le même genre de réaction salutaire, lorsque deux journalistes du Handelsblatt avaient publié une double page d'interview sans les réponses, pour protester contre la censure opérée par Baudouin Prot, le président de BNP-Paribas.